L'utilisation du microscope optique en mycologie et lichénologie
Les produits chimiques utiles en microscopie
par Jean-Pierre GAVERIAUX

Les produits chimiques indispensables à la microscopie peuvent être obtenus une fois par an lors de la session de microscopie qui se déroule chaque année, en février, au laboratoire de Fontainebleau.

01. Les milieux d'observation
02. Les milieux de réhydratation et de ramollissement
03. Les milieux de dissociation
04. Les fixateurs et milieux d'inclusion
05. Les deux colorants indispensables
06. Les colorants occasionnels
07. Les réactifs de Lugol et Melzer
08. Quelques colorants - réactifs spécifiques
09. La coloration vitale
10. Les milieux de conservation (milieu de montage permanent)
11. L’huile à immersion

1. Les milieux d'observation
       
 

Ce sont les produits dans lesquels on monte la coupe pour une observation temporaire ou semi-temporaire. Ces produits n'altèrent pas (ou peu) les couleurs naturelles.  

a) L'eau : Le plus simple de ces milieux d'observation est l’eau. Très utilisé par les mycologues et les lichénologues pour de nombreuses vérifications de routine, ce milieu d'observation, qui ne détruit rien (sauf les pigments hydrosolubles mais ils sont exceptionnels), ne modifie pas les couleurs ; c'est le seul milieu qui permet l'étude des cellules vivantes sous l'objectif à immersion (H. O. Baral a décrit le mécanisme d'expulsion des spores chez de nombreux Ascomycètes en observant les asques montés dans l'eau à l'aide d'un objectif x100 planapochromatique ouvert à 1,40 et d'un oculaire x15).

Remarque : l'eau SDS à 1%
Il est parfois difficile de faire entrer les coupes dans l'eau. Il suffit alors de prendre de l'eau additionnée d'un détergent ; il est possible d'utiliser le Sodium Dodécyl Sulfate (SDS), un agent tensio-actif anionique qui rend la solution plus mouillante.

Composition de l'eau SDS à 1% :

Eau bidistillée ...........................................................  99 mL
SDS ..............................................................................  1 g

Le milieu aqueux présente toutefois plusieurs inconvénients :
- Évaporation assez rapide sous l'action de la chaleur dégagée par le système d'éclairage du microscope et nécessité de remettre de l'eau si l'observation se prolonge.
- Déplacement des petits éléments isolés (ex : spores) lors des mouvements d'eau entre la lame et la lamelle.
- Modification des formes : les cellules possèdent des poches, les vacuoles, remplies de substances diverses dissoutes dans l'eau ; les vacuoles des cellules sont des milieux concentrés qui attirent l'eau (phénomène de turgescence) ; l'eau entre donc dans les vacuoles, les distend et provoque une augmentation de volume des cellules ; il n'est donc pas possible d'utiliser ce milieu pour évaluer la taille des éléments à observer (l'utilisation d'eau sucrée ou salée à 8-12% évite ces phénomènes de gonflement des cellules mais suite à l'évaporation partielle de l'eau, des courants se créent et on assiste à des déplacements gênants).
- Indice de réfraction (n = 1,33) très inférieur à celui du verre (n = 1,515) avec deux conséquences :
a) les éléments hyalins, c'est-à-dire à la fois incolores et transparents, qui possèdent le même indice de réfraction que l'eau ne sont pas visibles ;
b) les rayons lumineux traversent une couche d'eau ayant un indice de réfraction inférieur à celui de la lame et de la lamelle ce qui ne permet pas d'exploiter correctement l'ouverture numérique des objectifs pour microscope (voir article précédent).

Il est donc indispensable de recourir à d'autres milieux d'observation comme le lactophénol, le chloral hydraté, le chloral - lactophénol, les bases fortes… Plus l’indice de réfraction d’un milieu se rapproche de 1,515 (indice de réfraction du verre), plus ce milieu est éclaircissant.

b) Le lactophénol a un indice de réfraction de 1,44 ; de conservation indéfinie, c'est également un bon regonflant (voir produits de réhydratation). Il contient :

Acide lactique ...............................................................  1 g
Phénol .........................................................................  1 g
Glycérine .....................................................................  2 g
Eau bidistillée ...............................................................  1 g

c) Le chloral hydraté a un indice de réfraction de 1,510 ; il regonfle également les tissus fongiques mais cette solution aqueuse s'altère rapidement ; il est nécessaire de renouveler fréquemment la préparation. Composition :

Chloral hydraté ..............................................................  5 g
Eau bidistillée ................................................................  5 g

Les éléments observés dans le lactophénol ou le chloral hydraté ne sont pas déformés (tailles mesurées avec précision) et les préparations sont bien transparentes. Ils donnent toutefois un mauvais contraste et sont employés le plus souvent en association avec ou, après action d’un colorant ou d’un réactif microchimique.

Contrairement à l’eau qui s’évapore rapidement et ne permet que des montages temporaires, ces milieux de montage visqueux permettent la réalisation de préparations qui se conservent plusieurs semaines (préparations semi-permanentes).

 d) Le Chloral - Lactophénol est très certainement l’un des meilleurs milieux d’observation actuellement disponible. Il présente plusieurs avantages :
- Une bonne viscosité qui empêche l’évaporation avec la chaleur des lampes ce qui évite de remettre du liquide de montage en cas d’observation prolongée.
- Un indice de réfraction élevé (n = 1,49) permettant d’exploiter avec succès les objectifs et condenseurs corrigés pour les aberrations géométriques et chromatiques.
- Une bonne lisibilité de la coupe en donnant des contours précis ce qui facilite les mesures.
- L’hydrate de chloral ramollit les structures, ce qui rend la dissociation plus facile que dans le lactophénol (dont l’indice de réfraction n’est que de 1,44). 

Préparation du Chloral - Lactophénol :

Hydrate de chloral .......................................................  40 g
Phénol .........................................................................  20 g
Acide lactique .............................................  80 g (66,6 mL)

Placer sur l’agitateur magnétique jusqu’à obtention d’un milieu incolore et transparent. Conserver dans des flacons fumés (le phénol est sensible à certaines radiations) bien fermés (limiter l’oxydation et l’absorption de vapeur d’eau qui entraînerait une dilution du milieu).

A gauche : erlenmeyer placé sur un agitateur magnétique à vitesse réglable en fonction de la quantité de produit et de la viscosité - A droite : toujours se souvenir que les produits chimiques doivent être manipulés avec beaucoup de précaution, la grande majorité sous une hotte aspirante reliée à l'extérieur.

e) La potasse KOH à 10% dans l'eau bidistillée ne modifie pratiquement pas la taille des cellules et le montage dans KOH à 10% est recommandé pour mesurer avec précision les asques, spores, renflement des paraphyses…

Cette solution absorbe le dioxyde de carbone atmosphérique (CO2), devient progressivement inefficace et doit être remplacée lorsqu’un trouble apparaît. Il est conseillé de posséder une petite réserve de pastilles de potasse (10 grammes suffisent pour de nombreuses années) et de dissoudre quelques pastilles dans un peu d’eau bidistillée afin de renouveler la dilution.

Remarque : ces différents milieux d'observation sont également utilisés pour placer les substances chimiques (colorants, réactifs…) qui nous permettront de rechercher les diverses structures fongiques.
 

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