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C’est avec le botaniste italien Giuseppe De Notaris (1805-1877),
directeur du jardin botanique de Turin (1832) puis du jardin botanique de
Gênes (1839), que les études microscopiques des lichens commencent vraiment.
Il s’intéresse tout particulièrement aux spores dont il montre tout
l’intérêt pour l’établissement des genres et la classification.
On lui doit la connaissance de nombreuses espèces basée sur l’observation
précise des spores prenant notamment en compte leur taille.
Une espèce lui a été dédiée : Calicium notarisii. [Abréviation du nom
d’auteur : De Not.].
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Un autre italien a marqué l’histoire de la lichénologie : Abramo Bartolommeo
Massalongo (1824-1860), paléobotaniste et lichénologue de renom,
professeur à Vérone.
Il a lui aussi basé sa classification des lichens sur les caractères des
spores.
Mais son système a eu peu de succès, l’approche uniquement sporale ayant été
considérée comme une base trop étroite.
Un genre de lichen lui a été dédié : Massalongia. [Abréviation du nom
d’auteur : A. Massal.].
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Johan Müller (1828-1896), appelé Müller-Argoviensis parce qu’il était
originaire du canton d’Argovie, est conservateur de l’herbier de Candolle,
puis directeur du jardin botanique de Genève (1870-1874).
Il publie entre 1852 et 1857 près de 160 articles scientifiques constitués
par des listes et des descriptions de nouveaux taxons de lichens récoltés
principalement sous les tropiques par d’autres botanistes.
Un ouvrage important pour la flore suisse sera ses « Principes de la
classification des lichens et énumération des lichens des environs de Genève »
(1862).
[Abréviation du nom d’auteur : Müll. Arg.].
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Jean-Baptiste Payer (1818-1860), botaniste français, d’abord nommé
professeur de géologie et de minéralogie à Rennes en 1840, obtient la chaire
de botanique à l’École normale supérieure de Paris en 1844.
Républicain convaincu, il participe à la révolution de 1848, abandonne ses
fonctions universitaires et accepte les fonctions de chef de cabinet du
ministre des affaires étrangères, Alphonse de Lamartine.
Déçu par le coup d’État du 2 décembre 1851, il revient à la botanique et
publie un ouvrage de botanique cryptogamique dans lequel il est le
premier à inclure les lichens dans le groupe des champignons.
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Mais incontestablement, le lichénologue qui a marqué le plus cette période
est Wilheim Nylander (1822-1899).
Botaniste et entomologiste finlandais, il effectue son premier voyage à
Paris en 1848 dans l’intention de se perfectionner en sciences naturelles,
surtout en lichénologie ; c’est là qu’il fait la connaissance de Tulasne
dont la direction lui fut très précieuse.
En 1852 il visite le midi de la France où il collecte de nombreux
échantillons de lichens. C’est à partir de ces récoltes qu’il pose les bases
de sa classification.
En 1856, il participe à la session extraordinaire de la Société botanique de
France en Auvergne. Il est nommé professeur de botanique à l’université
d’Helsinki en 1857 mais en 1863 il quitte son pays pour venir s’installer à
Paris où il demeurera jusqu’à sa mort. Il travaille comme attaché auprès du
Muséum national d’histoire naturelle et se consacre alors uniquement au
monde des lichens.
Il est considéré comme l’un des principaux chercheurs sur les lichens de la
seconde moitié du XIXe siècle décrivant et nommant près de
3000 espèces sans jamais attribuer de nom de personne « estimant
sans doute qu’aucune n’était digne de cet honneur (14) ».
Il publie plus de 300 articles soit environ 4000 pages !
On lui doit l’utilisation de réactifs chimiques (iode, hypochlorite…)
pour la détermination des espèces et il montre le lien entre la pollution
atmosphérique et la croissance des lichens.
À partir de ces observations, il a mis en place des bio-indicateurs
(qu’il appelait « hygiomètres ») de la qualité de l’air. Il obtient le prix
Desmazières de l’Académie des sciences de Paris en 1869. Nylander défendait
vigoureusement l’idée de l’autonomie du groupe des lichens et se fâchait
avec toute personne qui osait avancer des idées contraires aux siennes.
C’est ainsi qu’il rejeta les travaux de Fries et de l’école suédoise,
n’admit jamais la conception d’une double nature des lichens avancée par
Schwendener (voir plus loin) et qu’il arrêta de fréquenter le Muséum sous
prétexte que cette institution soutenait la théorie « schwendénérienne ».
À
partir de 1873, il travailla alors en solitaire dans son bureau où il mourut
à l’âge de 77 ans.
Plusieurs espèces lui sont dédiées : Biatora nylanderi, Lecania nylanderi,
Lecanora nylanderiana, Lepraria nylanderiana, Leptogium nylanderi,
Umbilicaria nylanderiana, Thelidium nylanderi.
[Abréviation
du nom d’auteur : Nyl.].
(14) E. Cartoux,
« Les lichens de William Nylander », vol. VI-botanique, Les
collections du Muséum Henri-Lecoq, Clermont-Ferrand, 2012, 76 p. |
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Louis-René Tulasne (1815-1885) est né à Azay-le-Rideau. Fils de
greffier, il fait des études de droit, mais, passionné d’histoire naturelle,
il étudie parallèlement la botanique. Il rejoint son frère Charles
(1816-1884) à Paris où il suit les cours d’Adolphe Brongniart (1801-1876) et
d’Adrien de Jussieu (1797-1853).
Il entre comme aide-naturaliste au Muséum national d’histoire naturelle puis
devient membre de l’Académie des sciences en 1864.
Il publia en 1852 un mémoire important sur l’anatomie des lichens et leurs
organes reproducteurs (15). Il s’interroge sur « le
rang que doivent occuper les Lichens parmi les plantes cryptogames ».
Il les situe comme « intermédiaires naturels entre les Algues et les
Champignons » mais regrette « qu’au gré des divers auteurs, plusieurs
de leurs genres [soient cédés] soit à l’une soit à l’autre de ces
classes, si même ils ne sont pas entièrement absorbés par elles, comme
c’était leur sort dans les Genera plantarum de Linné, ceux d’A.-L. de
Jussieu, le Tableau du règne végétal de Ventenat, les écrits de Bosc, etc.
etc. et comme il leur arrive encore dans les systèmes de classification les
plus récemment publiés ».
Il préfère en définitive rester fidèle au point de vue d’Acharius et
considérer les lichens comme
« une
famille distincte, au même titre que le sont les Mousses, les Hépatiques ou
tel autre ordre de plantes cryptogames de même valeur, surtout s’il est vrai
que les raisons qui s’y opposeraient, n’ont d’autre base que la double
affinité naturelle des Lichens pour les Algues et les Champignons ».
Il admet que la germination des spores
seules peut reproduire le lichen : il précise dans son mémoire qu’ « il
est manifeste que les gonidies naissent directement des filaments de la
médulle, ou continuent le tissu cortical à l’intérieur du thalle ».
Ce point de vue erroné ne sera abandonné que quelques années plus tard.
Malade, Tulasne quitte ses fonctions au Muséum en 1872 et se retire à Hyères
où il meurt en 1885.
(15) L. R.
Tulasne, 1852. Mémoire pour servir à l’histoire organographique et
physiologique des Lichens. Ann. sci. nat., 17 : 153-249. |
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C’est seulement à partir
de 1866 qu’on commença à entrevoir la véritable nature des lichens avec en
particulier les travaux de Heinrich Anton de Bary (1831-1888),
botaniste et mycologue allemand, assistant de Hugo von Mohl (1805-1872) à
l’université de Tübingen. Dans son ouvrage intitulé « Morphologie und
Physiologie der Pilze, Flechten und Myxomyceten » (1866), de Bary
écrit :
« ou
bien les Lichens en question sont les états complètement développés et
fructifères des Plantes, dont les formes incomplètement développées se
trouvaient parmi les Algues sous le nom de Nostocacées, Chroococcacées.
Ou bien les Nostocacées et Chroococcacées sont des Algues
typiques ; elles prennent des formes de Collema, Ephebe et autres du
fait que certains Ascomycètes parasites y pénètrent, étendent leur mycélium
dans le thalle en croisssance et le fixent souvent sur ses cellules à
phycochrome (Plectospora, Omphalariées) ».
(16)
Cette hypothèse que certains lichens n’étaient que des algues pénétrées
par des filaments de champignon va faire son chemin.
Parmi les autres précurseurs de la théorie de la double nature des lichens
on peut citer les russes Andrei Famintzin (1835-1918) et Ossip
Vassilevitch Baranetzki (1843-1905) qui réussirent à isoler les
gonidies des Physcia parietina (devenu Xanthoria parietina),
d’un Cladonia et d’Evernia furfuracea (devenu Pseudevernia
furfuracea).
(16) Cité par
R.G. Werner, 1967. L’élaboration de la synthèse lichénique. Bull. Soc.
bot. Fr., colloque sur les lichens, 11-23 et par C. Flagey : « De
l’autonomie des lichens et de la théorie algo-lichénique ». Revue
Mycologique, n° 29, 1886 (avec quelques différences mineures de
traduction). |
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