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- La naissance de la lichénologie avec Acharius
et la première moitié du XIXe siècle |
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Erik Acharius (1757-1819), médecin suédois et élève de Linné, est un
pionnier dans l’étude taxonomique des lichens. Il commence à classer les
lichens et fait paraître plusieurs publications sur ce thème :
Lichenographiae Suecia prodromus (1798), puis trois travaux majeurs
entre 1803 et 1814 qui feront de lui le « père de la lichénologie » : le
premier d’entre eux, Methodus qua omnes detectos lichenes (1803),
sera suivi de Lichenographia universalis (1810) puis Synopsis
methodica lichenum (1814).
Sa classification se base sur la forme du thalle mais aussi sur la structure
des apothécies. Il est l’inventeur de toute une série de termes toujours
utilisés aujourd’hui : thalle, podétion, apothécie, sorédie, etc.
Dans sa publication de 1798, Lichenographiae, il a classé les lichens
en fonction de l’incrustation, de l’aspect foliacé et de l’aspect podétié du
thalle. Il divise les lichens en quatre classes et distingue dans « Lichénographie
universelle » de 1810, 41 genres dont quinze sont encore valides
actuellement (7) et décrit 801 espèces. Deux espèces lui sont dédiées :
Lecanora achariana A. L. Sm. (actuellement Protoparmeliopsis
achariana) et Lepraria achariana Flakus et Kukwa.
[Abréviation du nom d’auteur : Ach.]
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(7) Il
s’agit des genres Arthonia, Solorina, Gyalecta, Lecidea,
Opegrapha, Thelotrema, Lecanora, Evernia, Sticta, Parmelia, Cetraria,
Nephroma, Alectoria, Ramalina, Lepraria.
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La systématique d’Acharius est adoptée par la majorité de ses contemporains,
notamment par Augustin-Pyramus de Candolle (1778-1841) qui a apporté
une contribution importante, souvent sous-estimée, à la connaissance des
lichens en créant de nombreux genres et espèces.
Il est un des premiers botanistes à s’être intéressé à la nutrition des
lichens (8).
Dans ses « Mémoires et souvenirs » (9), Candolle indique à propos de la 3ème
édition de la « Flore française » (1805) (10) :
« Lorsque
j’arrivai à la famille des champignons, il me semble que j’entrais dans mon
domaine […]. Leur plus habile historien, M. Persoon, venait de publier son
Synopsis fungorum, qui
facilita beaucoup ma besogne et mes relations avec lui me donnèrent la
solution de quelques doutes ; […] cette partie de la Flore fut la plus
soignée et celle qui eut le plus de succès auprès des vrais connaisseurs.
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(8) A.-P. de
Candolle, 1798. Premier essai sur la nutrition des lichens.
Journal de physique, de chimie, d’histoire naturelle et des arts,
4 : 107-116.
(9) A.-P.
de Candolle, 1862. Mémoires et souvenirs (éd. posthume
annotée par Alphonse de Candolle), Genève, Paris, Joël Cherbuliez,
600 p.
(10) MM.
de Lamarck et de Candolle : Flore française ou descriptions
succinctes de toutes les plantes qui croissent naturellement en
France, troisième édition en 5 volumes, Paris, 1805.
Les lichens en eurent moins, quoique je leur aie donné assez
de temps. On n’avait à cette époque que le prodromus d’Acharius pour se
guider dans la classification. Je suivis cet ouvrage mais j’y apportai
plusieurs additions et modifications […] ».
Dans
cette 3ème édition de la « Flore française », Candolle définit
32 genres et décrit 290 espèces qui ne concernent que la France. Cette
liste est reprise dans le « Synopsis plantarum in Flora Gallica
descriptarum » publié en 1806. Après cinq volumes de la Flore française
de 1805, un sixième volume est publié en 1815 sous la seule signature de
Candolle (11) et il contient 78 espèces de lichens non décrites dans les
volumes précédents, ce qui porte à 368 le nombre total d’espèces décrites
par Candolle. Parmi les 32 genres indiqués, 4 sont encore valides deux
siècles après leur publication ainsi que 11 espèces (12). Dans le sixième
volume de la « Flore française », le début du texte consacré aux lichens est
assorti d’une longue note de bas de page que nous reproduisons en partie
ci-après :
« […] J’avais suivi la classification proposée par M.
Acharius dans son Prodromus, en y faisant quelques modifications ; depuis la
publication de la Flore, il a publié deux ouvrages, dans chacun desquels il
change la nomenclature de ses genres : il a adopté presque tous les
changements que j’avais établis ; mais comme la mutation des noms les rend
souvent difficiles à reconnaître, je crois devoir indiquer ici, en peu de
mots, la concordance de ma nomenclature avec celle de la Lichénographie
universelle. »
(11) A.-P.
de Candolle : Flore de France…, vol. 6, Paris, 1815.
(12) Il
s’agit de Collema nigrescens (Huds.) DC., Coniocarpon
cinnabarinum DC., Pertusaria leioplaca DC., Physcia
leptalea (Ach.) DC., Physcia tenella (Scop.) DC.,
Rhizocarpon geographicum (L.) DC., Roccella fuciformis
(L.) DC., Roccella tinctoria DC., Umbilicaria leioplaca
DC., Verrucaria caerulea DC., Verrucaria ruderum DC.
Suivent
alors six notes dont nous ne citons que les deux premières :
« 1°.
Les genres Rhizomorpha, Verrucaria, Variolaria, Isidium, Sphaerophorus,
Stereocaulon, Usnea, Roccella, Calycium, Collema, Sticta et Endocarpon,
sont les mêmes et quant au nom, et quant aux espèces dans les deux ouvrages.
2°.
Les suivants ne diffèrent que par le nom et dans ce cas le nom de la Flore,
qui est plus ancien, a été changé sans motifs suffisans [sic] ; ainsi
mon genre Pertusaria a été nommé Porina, le Lepra de
Wiggers est devenu Lepraria ; mon Coniocarpon s’est transformé
en Spiloma ; mon Volvaria en Thelotrema ; Umbilicaria
des auteurs en Gyrophora ».
On
remarquera à propos de ces commentaires, dont certains sont critiques
vis-à-vis d’Acharius, que depuis cette époque plusieurs modifications
nomenclaturales sont intervenues dans le sens souhaité par Candolle ; c’est
le cas pour les genres Pertusaria, Coniocarpon et Umbilicaria.
Aucun nom d’espèce n’a été dédié à Candolle. [Abréviation du nom d’auteur :
DC.] |
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Antoine Laurent Apollinaire Fée (1789-1874), pharmacien de formation,
fait la connaissance en 1823 du botaniste et mycologue C. H. Persoon
(1755-1837), rencontre qui sera décisive pour son avenir professionnel.
Il devient en 1825 démonstrateur puis pharmacien major à l’hôpital militaire
de Lille en 1828 et enfin professeur de botanique à Strasbourg de 1832 à
1867.
Son apport à la lichénologie se situe au début de sa carrière, entre 1824 et
1827, lorsqu’il publie deux volumes intitulés « Essai sur les cryptogames
des écorces exotiques officinales, précédé d’une méthode lichénographique et
d’un Genera » dans lesquels il s’appuie à la fois sur les appareils
reproducteurs et la diversité des spores pour établir une classification des
genres. |
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Karl
Friedrich Wilheim Wallroth (1792-1857), botaniste allemand, publie
Flora Cryptogamica Germaniae entre 1831 et 1833 puis développe la
biologie des lichens dans un livre intitulé Naturgeschichte der Flechten
en 1825 et 1827. Il introduit les termes homéomère et hétéromère
pour définir les structures différentes des thalles. Il distingue les
éléments verts du thalle qu’il nomme gonidies des éléments incolores
ou hyphes dont il remarque l’analogie avec les hyphes des champignons. Il se
méprend néanmoins sur la signification des gonidies qu’il interprète comme
étant des éléments reproducteurs.
Plusieurs espèces de champignons et lichens lui ont été dédiées :
Trapeliopsis wallrothii, Mycomicrothelia wallrothii, Scutula wallrothii,
Erysiphe wallrothii, Sporonema wallrothii.
[Abréviation
du nom d’auteur : Wallr.]. |
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Elias Magnus Fries (13) (1794-1878), botaniste et mycologue suédois,
professeur à Uppsala, est un des principaux fondateurs de la mycologie
moderne.
Il publie son Systema mycologicum en trois parties entre 1821 et
1832. Sa Lichenographia Europaea reformata publiée en 1831 lui vaudra
la « médaille d’or de Linné ».
Sa collection de lichens « Lichenes exsiccati Sueciae » comporte 12
fascicules (1824-1852). Une espèce valide lui est dédiée : Bacidia
friesiana.
[Abréviation
du nom d’auteur : Fr.].
(13) Son fils
Theodor Magnus Fries (1832-1913) poursuivra l’œuvre de son père. Il est en
effet l’auteur d’importants travaux sur les lichens dont « Lichenogaphia
scandinavia » publié en 1871 et 1874. Membre de l’Académie royale des
sciences de Suède en 1865, il sera nommé professeur de botanique à Uppsala
en 1877. [Abréviation du nom d’auteur : Th.Fr.] |
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Heinrich Gustav Flörke (1764-1835), botaniste et lichénologue
allemand, succède à L. C. Treviranus (1779-1864) comme professeur
d’histoire naturelle à l’université de Rostock où il se spécialise en
lichénologie et consacre une bonne partie de ses recherches sur le genre
Cladonia. Deux espèces lui sont dédiées : Cladonia floerkeana et
Verrucaria floerkeana.
[Abréviation
du nom d’auteur : Flörke]. |
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Ludwig Emanuel Schaerer (1785-1853) est un cryptogamiste et mycologue
suisse qui s’est surtout intéressé à la lichénologie. Il effectue ses études
théologiques à Berne, devient pasteur en 1808 et collabore avec Flörke. Il
rassemble une importante collection de lichens de Suisse entre 1823
et 1852 (Lichenes helvetici exsiccata) à laquelle il joint un texte
explicatif en deux parties intitulé Lichenum helveticum spicilegium.
En 1850 il publie son œuvre majeure : Enumeratio critica lichenum
europaeum.
Plusieurs espèces lui sont dédiées : Buellia schaereri, Caloplaca
schaereri, Pertusaria schaereri, Placocarpus schaereri, Psorotichia
schaereri, Sporodictyon schaererianum, Stigmidium schaereri (champignon
lichénicole non lichénisé). [Abréviation du nom d’auteur : Schaer.]. |
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