Nous avons arbitrairement scindé l’histoire de
l’étude des lichens en six périodes.
La première période, qui va de l’Antiquité à la fin
du XVIIIe siècle, ne peut être considérée que comme une
introduction à la lichénologie qui ne commence réellement qu’avec
les travaux d’Acharius au tout début du XIXe
siècle.
Dans la seconde moitié du XIXe siècle,
l’utilisation des données microscopiques conduit à une meilleure
connaissance de l’organisation des lichens en même temps que
l’inventaire des espèces s’accroît considérablement. La véritable
nature duale des lichens n’est démontrée qu’en 1867 par
Schwendener.
Les progrès des techniques d’observation et d’analyse
chimique permettent pendant toute la durée du XXe siècle
d’asseoir la taxonomie sur des bases solides. Le concept de
symbiose se précise et le monde des lichens en représente une
forme particulièrement remarquable.
Avec la fin du XXe
siècle et le début du XXIe, le développement de l’outil
informatique, l’utilisation des techniques de la biologie
moléculaire et l’amélioration des techniques de visualisation
microscopique (microscopie confocale à fluorescence)
permettent une meilleure connaissance des différents partenaires de
la symbiose lichénique jusque-là négligés ou inconnus (communautés
bactériennes associées aux lichens et présence chez certains lichens
d’un second champignon).
Enfin, l’introduction de la méthode cladistique
a considérablement renouvelé l’approche systématique et la
classification des champignons et parmi eux des lichens.
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- De Théophraste à la fin du XVIIIe siècle |
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Théophraste
(372-287 avant J.C.) est considéré comme le « père de la botanique ».
Avec son maître Aristote (384-322 avant J.C.), il nourrissait l’ambition de
réunir toutes les informations disponibles sur l’ensemble des deux règnes,
animal et végétal ; à partir de données rassemblées pour l’essentiel entre
–347 et –343, Aristote rédigea les Recherches sur les animaux,
laissant à Théophraste la rédaction des Recherches sur les plantes
(1).
C’est
dans cet ouvrage que Théophraste fait allusion aux lichens en ces termes :
« Quant à ce que certains appellent un lichen et
qui ressemble à des guenilles, celui que seul le rouvre (2) porte est
gris et rêche ; long d’une coudée, il pend comme un grand lambeau d’étoffe
(3). Ce lichen naît de l’écorce et non du renflement d’où sort le
gland, ni d’un œil, mais sur le côté des rameaux supérieurs. Le chêne
chevelu en produit un noirâtre et court (4) ».
Mais à
cette époque, le terme de lichen incluait également des mousses et des
hépatiques. |
(1)
Suzanne
Amigues, « Théophraste, Recherches sur les plantes, à l’origine de
la botanique », Belin édit., 2010, 414 p.
(2) « rouvre » :
chêne rouvre, Quercus petraea (Mattuschka) Liebl.
(3) Il s’agit
vraisemblablement d’une usnée, du groupe des usnées barbues.
(4) Il pourrait
s’agir de Pseudevernia furfuracea (L.) Zopf, sur Quercus
cerris L. (le chêne chevelu)
Cette erreur se maintient dans l’herbier de John Gerard
(1545-1612) que ce botaniste anglais publie en 1597 et dans lequel
il représente cinq lichens (5) dont un, qu’il nomme Muscus
ramosus floridus, correspond à l’évidence à Usnea florida.
(5)
John
Gerard, « The Herball or General Historie of Plantes »,
1597.
Les cinq
lichens représentés sont nommés : Muscus ramosus, Muscus ramosus
floridus, Muscus corniculatus (page 1372) et Lichen arborum
et Lichen marinus (page 1377).
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Cette
confusion entre les groupes persistera jusqu’à la fin du XVIIe siècle.
Il faut
en effet attendre le botaniste français Joseph Pitton de Tournefort
(1656-1708) pour qu’en 1694 et 1698 soit établie une distinction, encore
très imparfaite, entre lichens et mousses. Il décrit en 1700 (Institutiones
rei herbariae) les lichens comme des plantes sans fleurs mais produisant
dans un fruit cupuliforme peu profond un pollen très fin.
Il
reconnaît 44 espèces qu’il réunit dans le seul genre Lichen. |
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Pier Antonio Micheli (1679-1737) est né à Florence ; autodidacte, il
devient botaniste et sera chargé de s’occuper des parcs municipaux et des
collections du jardin botanique de sa ville natale.
Il est un des fondateurs de la mycologie moderne. Son œuvre principale est
son Nova plantarum genera (1729) dans lequel il traite dans le même
ensemble les lichens et les champignons. Il a dessiné les spores de tous les
grands groupes de champignons et il est le premier à avoir donné la
description d’un asque.
Il s’intéresse particulièrement aux lichens pour lesquels il décrit les
apothécies qu’il considère comme des réceptacles floraux et suit le
développement d’amas pulvérulents, qu’on n’appelait pas encore sorédies, en
les assimilant à des graines.
Il classe 314 espèces à l’intérieur de 38 « ordres ». |
L’allemand
Johan Jakob Dillenius (1687-1747) établit, sur la base de la
morphologie du thalle, les genres Lichen, Usnea,
Coralloides, Lichenoides qui sont de vrais lichens mais
il les inclut dans son « Historia muscorum » publié à
Oxford en 1741.
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Carl Linné (1707-1778) applique en 1753 (Species plantarum) sa
nomenclature binominale aux lichens (nom générique suivi d’une épithète
spécifique).
Il pensait que les apothécies étaient des organes mâles et les sorédies des
organes femelles. Il divise les lichens en 7 sections qu’il place parmi les
Algae (aux côtés des hépatiques et des éponges) ; il reconnaît 80
espèces dans l’unique genre Lichen.
[Abréviation
du nom d’auteur : L.] |
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Jean-Baptiste de Lamarck (1744-1829), dans sa « Flore françoise… »
publiée en 1778, reprend globalement les indications de Linné et ne retient
que 53 espèces placées dans le seul genre Lichen.
Une espèce lui a été dédiée, Squamarina lamarckii (DC.) Poelt, sur
proposition originelle de Candolle (6).
[Abréviation
du nom d’auteur : Lam.]
(6)
A.-P. de Candolle donne le nom de Lamarckii à une espèce d’Urceolaria,
lequel est décrit sous le nom de Lecanora lagasceae par
Acharius puis de Squamarina lagasceae par Balbis, de
Squamaria lamarckii par Nylander et enfin de Squamarina
lamarckii par Poelt.
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