xx
Lichens et évolution de la classification des êtres vivants (1)
par Jean-Pierre Gavériaux
jp.gaveriaux@numericable.fr                                                                            Pages 1 / 2 / 3 / 4 / 5


 

 

Les premières classifications sont surtout des classifications utilitaires. Au premier siècle, un médecin grec, Dioscoride, dans son traité de botanique, distingue cinq groupes de plantes : aromatiques, alimentaires, médicinales, vineuses et vénéneuses. Il faut attendre la fin du XVIIe siècle pour voir apparaître la notion de genre (réunion d’espèces qui se ressemblent) avec Tournefort (1656-1708), puis les travaux de Linné (1707-1778) qui ajoute les notions de règnes, classes, ordres. Ces niveaux sont ensuite complétés pour arriver aux 7 rangs traditionnels : règne, embranchement, classe, ordre, famille, genre et espèce, 7 étant considéré, à l’époque, comme le nombre parfait.

   
  1. La classification en 2 règnes
 
 

Jusqu’aux environs des années 1970, les biologistes ont estimé que les êtres vivants pouvaient être placés dans deux règnes, soit parmi les animaux, soit parmi les végétaux. Les animaux se déplacent et se nourrissent en ingérant des proies, les végétaux sont immobiles et trouvent leur nourriture dans le sol (potassium, phosphore, azote, etc.) et dans l’air (dioxyde de carbone).
 

 

 

La classification en 2 règnes
(les lichens y constituent un groupe autonome depuis les travaux d’Acharius)

   
 

L’homme est placé au sommet de la hiérarchie et les autres êtres vivants, s’éloignent de ce sommet en fonction de caractères qui semblent leur faire défaut. Les groupes sont surtout définis négativement, par exemples : les invertébrés sont dépourvus de colonne vertébrale, les poissons dépourvus de membres (non tétrapodes), etc.
Dans le règne végétal, les Cryptogames (de cryptos = caché et gamos = mariage) sont dépourvus de fleurs, les Thallophytes (de thallos = rameau et phyte = végétal) ne possèdent pas de racines, pas de tiges et pas de feuilles, leur appareil végétatif est un thalle, quant aux Champignons ce sont des végétaux dépourvus de chlorophylle.
Le mot lichen est attribué pour la première fois par Théophraste (disciple d’Aristote) au IVe siècle avant J.C. mais… pour désigner des Hépatiques. Les naturalistes de la Renaissance au XVIe siècle, ont placé les lichens avec les mousses. C’est Tournefort, à partir de 1694 qui fait pour la première fois la distinction entre mousses et lichens, d’une façon relativement imparfaite cependant puisque l’on trouve dans ses lichens quelques hépatiques, mousses et fougères.
En 1741, l’allemand Dillenius propose une classification des lichens basée sur la forme du thalle ; la nomenclature binominale n’existait pas encore et il faut attendre le suédois Linné qui à partir de 1753, commence à désigner chaque lichen par un ensemble de deux mots (latins ou latinisés), le premier étant le nom de genre, le second le nom d’espèce ; il répartit les lichens dans sept groupes d’après la morphologie des thalles ; toutefois, Linné et ses disciples placent les lichens parmi les algues.

     
 

C’est le suédois Acharius (travaux de 1798 à 1814), qui a distingué pour la première fois les lichens des autres cryptogames ; ayant pour seul outil sa loupe, il étudie les thalles et les diverses structures qu’il porte. Il crée les termes d’apothécie, de sorédie, qu’il identifie comme étant des structures de reproduction, et jette les bases d’une classification, identifie de nombreux genres et espèces dont une partie importante est encore en usage actuellement.
Archarius a donc fait des lichens un groupe particulier au sein des Thallophytes ; une branche spéciale de la  cryptogamie venait d’apparaître : la lichénologie.

   
 

La nature double des lichens (algue/champignon) n’est proposée que 50 ans plus tard dans les travaux du suisse Schwendener (1867 à 1869) puis démontrée par le français Bornet (1828-1911) qui arrive à obtenir les phases initiales d’un symbiose en faisant germer des ascospores de lichens en présence d’algues (la démonstration est faite à nouveau par Bonnier en 1886 et 1889).
 

 

« On sait bien qu’aujourd'hui que la formule « les Lichens sont des champignons vivant en symbiose avec des algues » est une assertion de pure fantaisie ou une calomnie. Il est abondamment prouvé que les Lichens constituent une noble et vénérable classe autonome de végétaux n'ayant rien de sérieusement commun ni avec les Champignons ni avec les Algues. Subordonner les Lichens aux Champignons est encore plus absurde que de réunir les Characées aux algues…»     Texte publié par Nylander en 1896 (Les Lichens des environs de Paris)

   
 

Les lichens sont toujours considérés comme un groupe autonome au sein des Thallophytes et, au début du XXe siècle, l’abbé Hue et surtout l’abbé Harmand proposent une classification des lichens, ces « nobles et vénérables végétaux », et publient plusieurs ouvrages de systématique entre 1905 et 1913.

 

Suite page 2  ðððð    X
 

[Retour au sommaire]